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Qui peut encore croire Robert Bourgi ? par Marwane Ben Yahmed

« J’avais déjà conçu le projet, que j’ai réalisé, de “niquer” François Fillon, bien avant que n’éclate l’affaire impliquant l’épouse de l’ancien Premier ministre au mois de janvier 2017. » Décidément, plus rien n’étouffe, pas même la bienséance la plus élémentaire, le truculent Robert Bourgi.


Rédigé par leral.net le Mardi 6 Février 2018 à 19:00 | | 0 commentaire(s)|

Qui peut encore croire Robert Bourgi ? par Marwane Ben Yahmed

Devant Jean-Jacques Bourdin, ce 29 janvier, sur BFMTV, l’avocat franco-sénégalais a joué les tontons flingueurs, s’arrangeant une nouvelle fois avec la vérité pour se donner un rôle qui n’a jamais été le sien et se poser en parangon de vertu.

« Dès le 10 janvier, j’ai dit à Sarkozy : “Fillon n’ira jamais à l’Élysée parce que je vais le ‘niquer’. J’avais ourdi le complot. Je savais que les costumes commandés en novembre, j’allais les payer par chèque et que j’allais en informer mon ami Valdiguié [journaliste au Journal du dimanche, à qui il avait livré, en septembre 2011, ses “révélations” sur les mallettes de billets qui auraient été envoyées par des chefs d’État africains à Jacques Chirac et à Dominique de Villepin]. »

Artiste du volte-face et de la trahison

Quand diable les médias français (et africains), face auxquels il adore se pavaner, cesseront-ils de tendre leurs micros à cet homme guidé par ses seuls intérêts et de prêter aveuglément foi à ses propos sans jamais se pencher sur le CV de cet artiste de la volte-face et de la trahison ? Chirac et Villepin, donc, Karim Wade, Ali Bongo Ondimba, Compaoré, Obiang Nguema… La liste de ses anciens amis un temps fort généreux avec lui ou à tout le moins indispensables à ses affaires et qui se sont retrouvés un couteau planté dans le dos est longue comme le bras. Dernière victime en date : François Fillon.

 

 

Assailli d’appels de Fillon, Bourgi prenait visiblement un malin plaisir à constater l’effervescence autour de lui

L’auteur de ces lignes connaît bien Robert Bourgi. Et, dans une certaine mesure, apprécie sa compagnie, sa culture, sa connaissance de l’Afrique, mais aussi son intelligence, pour ne pas dire sa malice. Partager la table de cet amateur de bonne chère et de puligny-montrachet est toujours un grand moment…

Surtout, j’ai vécu en direct les débuts de l’affaire des costumes de Fillon en sa compagnie, dans un bistro parisien situé à quelques mètres de l’Élysée. Assailli durant le déjeuner d’appels de Fillon et de sa communicante Anne Méaux, qui craignaient qu’il ne sache retenir sa langue, Bourgi prenait visiblement un malin plaisir à constater l’effervescence autour de lui.

La vérité n’a rien à voir avec ce qu’il a pu déclarer sur BFMTV ou sur les différents plateaux qu’il a hantés en cette fin du mois de janvier. Fillon aime l’argent et le luxe, mais n’a pas les moyens (officiels) de ses inclinations. C’est un secret de polichinelle : l’homme n’apprécie guère de régler une addition.

Les costumes de Bourgi ? Une goutte d’eau dans un océan de présents. À l’époque des faits, Fillon a le vent en poupe, sa victoire est même présentée comme certaine. Bourgi, pourtant l’ami de Sarkozy, a tout misé sur lui pour revenir sur le devant d’une scène qu’il a quittée depuis l’affaire des mallettes et le retour de la gauche au pouvoir.

Il le chouchoute, donc, volant ainsi, croyait-il, au secours de la victoire. Et lui offre ces costumes, sans penser une seconde qu’il sera pris les doigts dans le pot de confiture. Mais voilà, c’est Laurent Valdiguié qui l’appelle pour lui signifier qu’il a en sa possession le fameux chèque de la banque italienne Monte Paschi, signé de sa main (les temps ont changé : on ne peut plus payer en intégralité une telle addition en liquide) en règlement de la note d’Arnys. Sans doute une âme charitable soucieuse de l’intégrité des politiques français le lui a-t-elle remis…

« Bob » le sniper est rancunier

Après avoir un temps nié les faits, Bourgi est donc contraint de changer de stratégie. Et avoue. Pour Fillon, déjà englué dans le Penelopegate, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : il coule. Et ne représente donc plus aucun intérêt pour Bourgi. Pis, l’ancien Premier ministre commet un crime de lèse-majesté : il ne prend plus au téléphone le sulfureux avocat, ne répond pas à ses textos et le tient à bout de gaffe.

Tant que le robinet à dollars coule, tout va bien. Le jour où le flot se tarit, méfiez-vous…

La messe est dite : « Bob », le sniper susceptible et rancunier, se vengera. Il se vante dans de nombreux médias d’avoir toujours été très généreux avec Fillon. Aujourd’hui, il invente cette histoire de complot ourdi de longue date, énième affabulation de sa carrière.

La vérité est plus prosaïque : tant que le robinet à dollars coule, tout va bien. Le jour où le flot se tarit, méfiez-vous… Comme au Gabon, où on lui a coupé les vivres en 2012-2013. Ali, son « frère » jusqu’alors, devient ainsi subitement un « monstre qu’il a enfanté ». Et Bourgi de rejoindre Jean Ping ventre à terre avant la présidentielle d’août 2016 contre promesses sonnantes et trébuchantes.

Prurit de sincérité

 

 

Bourgi défouraille. Il livre urbi et orbi à la presse le contenu présumé de ses conversations téléphoniques avec le fils de Gorgui

Idem au Sénégal, quand Karim Wade, à propos duquel il ne tarissait pas d’éloges, écarte d’un juteux marché une société britannique qu’il tentait d’introduire, avec ce commentaire cinglant : « Toi, tu peux attendre. » La réponse, elle, ne se fera guère attendre. Bourgi défouraille. Il livre urbi et orbi à la presse le contenu présumé de ses conversations téléphoniques avec le fils de Gorgui, dans lesquelles ce dernier est rhabillé pour plusieurs hivers.

Chapeau l’artiste : encore une fois, aucun média ne daigne suggérer que les versions mouvantes des faits relatés par Bourgi depuis des années puissent obéir à autre chose qu’à un prurit de sincérité. Il est vrai que l’animal sait mettre les journalistes dans sa poche, y compris les donneurs de leçons franco-africaines (ils se reconnaîtront), à coups de petits « scoops » livrés en catimini dans son cabinet de l’avenue Pierre-Ier-de-Serbie.

Que les choses soient claires : l’ami Robert, au contraire d’un Jacques Foccart, dont il ne cesse de se revendiquer et qui doit se retourner dans sa tombe, ne travaille qu’à ses propres intérêts. En privé, il ne prend même plus la peine de s’en cacher. Il serait donc grand temps d’arrêter de lui fournir naïvement les tribunes qui lui permettent d’assouvir cette soif. Et lui, la relique d’une autre époque, devrait songer à une retraite amplement méritée, dans le village corse de son épouse ou ailleurs.





Marwane Ben Yahmed
Directeur de Publication
Jeune Afrique


Alain Lolade